Lorsqu'il décède en 1972, Henri-Georges Clouzot laisse derrière lui une des filmographies les plus abouties du cinéma français. De œuvres remarquables sont à mettre à son compte : L'assassin habite au 21 (1942), Le Corbeau (1943), Le Salaire de la Peur (1955) ou encore Les Diaboliques (1955). Mais Clouzot suscite également la controverse. Après la libération, le Parti communiste lui reproche d'avoir tourné sous l'occupation pour la Continental Films, société de production financées par des capitaux allemands. Réputé perfectionniste, on dit du cinéaste qu'il tyrannise les acteurs qu'il dirige.

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Un de ses films est cependant resté inachevé. En 1964, le réalisateur choisit Romy Schneider alors âgée de 26 ans, et Serge Reggiani, 42 ans, pour tenir les personnages principaux de son prochain métrage, L'Enfer. Clouzot souhaite rompre avec le style classique que lui ont reproché les critiques de la Nouvelle Vague ; les scènes sont tournées en vue subjective, il est laissé libre cours aux effets de lumière et de maquillage. Financé par des studios américains qui lui ont alloué un budget illimité, ce projet se veut unique. Il est conçu comme un drame fantasmagorique, le récit d'une descente en enfer, du glissement vers la jalousie et la folie. Les premières images sont hypnotiques et surréalistes, l'atmosphère torride transpire la moiteur.

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Au bout de trois semaines seulement, le tournage est interrompu ; Serge Reggiani tombé malade, Jean-Louis Trintignant est alors pressenti pour tenir le rôle masculin. Mais cette fois, Clouzot est victime d'un infarctus et le projet doit être définitivement abandonné. Les quinze heures de rushes sont saisies par la compagnie d'assurance qui a perdu énormément d'argent et ne seront jamais dévoilées. Le script sera quant à lui repris et adapté par Claude Chabrol dans son film L'Enfer en 1994.

Oubliées depuis près d’un demi-siècle, les scènes tournées sont finalement rachetées par Serge Bromberg. Le documentaire de Ruxandra Medrea et Bromberg, L'Enfer d'Henri-Georges Clouzot, à la fois raconte le naufrage du projet et "recompose" l'œuvre disparue - certaines scènes écrites y sont rejouées par Bérénice Béjo et Jacques Gamblin. Présenté au Festival de Cannes en 2009, il sortira en septembre.

Voici des extraits des rushes où l'on découvre devant l'objectif de Clouzot Romy Schneider plus sensuelle que jamais.


Les essais de Romy Schneider pour L'Enfer d'Henri-Georges Clouzot, 1964.